hallo,

hier ein recht aktueller artikel, der sich mit dem thema kopftuch in differenzierter undogmatischer form auseinandersetzt:

Pouquoi le hijab gagne du terrain
quelle: http://www.telquel-online.com/tns.php?site=1&rub=read&pid=33



Il n'y a pas de chiffres disponibles, mais les résultats d'études sociologiques, l'arrivée de femmes voilées au parlement, la profusion d'émissions sur chaînes satellitaires faisant campagne en faveur de ce mode vestimentaire, et le répondant de plus en plus visible au sein de la société… tout cela montre que le hijab gagne du terrain. Pourquoi ? Comment ? Et quels sens donner à ce phénomène ?

Pourquoi parler du hijab, maintenant ? Pour trois raisons au moins. La première est politique. Six femmes islamistes faisant du voile une priorité idéologique font leur entrée au parlement. La deuxième est sociale. Nous sommes à quelques jours du mois sacré du ramadan et la campagne en faveur du port du voile, par media et réunions familiales interposés, est en passe de battre son plein. Quant à la troisième raison, elle est culturelle. Le phénomène fait l'objet de discours superposés, sociologique, anthropologique et théologique, et pourtant seule l'explication religieuse tient le haut du pavé. Et puisque les raisons expliquant l'expansion du voile sont complexes et les femmes voilées pas forcément chastes et pieuses, cela devient intéressant d'y regarder de plus près.

Un peu de politique, pour commencer

"Hier symbole de claustration, [le hijab] est aujourd'hui un instrument de libération", écrivait Hind Taarji en 1990. Elle faisait écho aux mouhajjabates qui tiennent énormément à faire cette distinction entre le ngab traditionnel et le hijab moderne. Pour elles, le premier drapait la femme et lui reniait tout droit à l'existence hors du foyer alors que le second l'autorise à avoir une présence dans l'espace public. "La femme qui porte le voile aujourd'hui est plus forte que celle d'autrefois parce qu'elle est instruite", confie Wafae (étudiante en économie). Cela s'appelle dans le marketing islamiste de plus en plus en vogue, "le droit de la femme musulmane à la décence". Voilà, le hijab est aujourd'hui vendu beaucoup plus comme un "visa de participation à la vie sociale" et pas uniquement comme une "obligation religieuse à laquelle il faut se soumettre". Ce discours a dorénavant des avocates très en vue au Maroc. "L'accession de six femmes voilées du PJD au parlement veut dire l'arrivée d'un projet de société, à l'opposé de celui des féministes, au cœur de l'espace public", prévient l'historien et sociologue, Mohamed El Ayadi. "Alors que la confrontation entre les deux se faisaient, dans cette enceinte, par hommes intégristes interposés, ajoute-t-il, aujourd'hui, elle devient directe, sans intermédiaire". Les prémices d'une telle confrontation commencent. La tête de liste PJD, Bassima Haqqaoui, s'est dite sur les colonnes du quotidien saoudien, Asharq Al Awsat, tout à fait d'accord avec le député islamiste Abdelilah Benkirane qui avait verbalement agressé dans l'hémicycle une camera woman "légèrement vêtue".

Cette image de femmes "voilées donc vertueuses" qui se mettent sur un piédestal et sermonnent celles qui adoptent un mode vestimentaire différent devient une scène ordinaire. D'abord, le retour du religieux aidant, le voile, porté normalement par la femme pour prier et en période de pèlerinage, stigmatise à lui seul l'image de la piété. Et le rappel, de plus en plus récurrent, de "l'obligation indiscutable du hijab" dans des cassettes, mosquées et émissions télévisées, joue un rôle de "harcèlement intellectuel". Cela prend une allure particulière à travers les chaînes satellitaires arabes (Iqra'…), faisant campagne en faveur du hijab. Leurs émissions, à forte charge religieuse, sont très prisées durant le mois de Ramadan et ciblent la classe moyenne urbaine. Le "télévangéliste" Amr Khalid en est le fer de lance. L'image de la femme voilée est arborée sur son plateau comme "l'exemple type de la musulmane qui confirme sa foi et affiche son identité". Cette même image acquiert une allure encore plus séduisante, "via ces artistes repenties, qui mettent le hijab et se convertissent en prédicatrices", note El Ayadi. Phénomène initialement égyptien, il commence à toucher le Maroc. Dernière nouvelle en date, rapportée par le quotidien Assabah, la comédienne Karima El Badaoui est devenue Mouhajjaba. Mais qu'y a-t-il derrière cette déferlante ? Du pétro-dollar ? Des convictions religieuses ? Des frustrations sociales ?

Le voile avant le mariage

En interrogeant des étudiants islamistes dans le cadre d'une étude sociologique, Rahma Bourquia a déduit ceci : "ces signes extérieurs de religiosité (hijab) montrent que pour [ces jeunes filles], il ne suffit pas d'être musulmane dans l'intimité de soi avec sa foi, mais il faudrait l'être aussi dans son paraître". Et les islamistes semblent cohérents avec eux mêmes. Le voile ayant été, au temps du prophète, un moyen de "distinction sociale par rapport aux impies", il le redevient aujourd'hui par rapport aux "libertaires". Manière détournée pour s'accorder un statut supérieur aux autres musulmanes qui rejettent l'idée du hijab ou du moins n'en font pas une fixation.
Mais toutes les filles ne le portent pas pour afficher une identité islamiste. Qu'est-ce qui pousse alors ces femmes à porter un voile dont la connotation première, note Bourquia, est d'être "protégées pour ne pas déshonorer les hommes de la tribu" ? Les témoignages qu'elle recueille sont plein d'enseignements. Sur le registre de la pudeur, "le voile devient un signe distinguant les filles de bonne famille (b'nat ennas), se conformant aux normes, de celles qui ne le sont pas". Mais les jeunes filles ne le portent pas toujours par conviction. Elles le font parfois, affirme Jamila (étudiante en droit), "par désir d'attirer le respect de la société". Il peut servir, explique Bourquia, de "moyen de rédemption" ou être utilisé "comme acte de purification". Pour ne pas dire trompe-l'œil. Quoique, comme le rappelle Samira (secrétaire), "la société s'est de plus en plus libéralisée et les filles ont de moins en moins recours au voile pour

dissimuler leur débauche". Mais sans en arriver là, lit-on dans un livre sur les jeunes et les valeurs religieuses, "il faut savoir que la virginité est un gros enjeu". 75% des garçons interviewés la considèrent comme condition sine qua non de mariage. On comprend, alors, ces jeunes filles, écrit Bourquia, qui "adoptent le voile par pragmatisme stratégique". Autrement dit, une fiancée voilée aurait plus de chances d'être vierge qu'une non voilée. Caricatural ? Tant pis.

Le voile de la ménopause

Jusque-là, le rapport au religieux est ambivalent. Certaines jeunes filles sont dévouées. D'autres se préparent à le devenir. D'autres y ont recours comme à un subterfuge. Et même si elles ne le reconnaissent pas toujours, le port du hijab est en rapport étroit avec le regard de la société patriarcale qui les veut "pures", de "première main". Mais une fois le mariage consommé, la question prend une autre allure. La femme vit au rythme de son intégration sociale. Et à partir de l'âge de 40 ans, le phénomène du port du voile prend un autre sens.

"A partir de cet âge-là, explique la sociologue Soumaya Noamane Guessous, commence à se dessiner l'image négative de la femme". Si l'on devait croire le fiqh et les traditions musulmanes, "la femme, cloîtrée en situation normale, acquiert une grande liberté de mouvement quand elle ne peut plus enfanter", note Guessous. Selon cette même tradition, une femme ménopausée est même autorisée à ne pas respecter l'idda (l'abstinence après la mort de son mari). Mais tout cela est loin de notre réalité sociale. Au lieu de prendre leurs aises, les femmes ont tendance à se voiler à cet âge-là. "Chez nous, explique-t-elle, une femme ménopausée se dit safi, n'dirou âqalna. Elle commence à faire le deuil de son corps, dès le moment où elle pense ne plus pouvoir procurer de plaisir à son mari et qu'elle ne peut plus enfanter". Serait-ce un voile de renoncement, d'abstinence, qui rappellerait la vie au couvent ? Cela n'en est pas loin. "Sachant que son corps ne peut plus être entretenu au service de la séduction, elle l'entretient autrement pour se préparer au service de Dieu, affirme la sociologue, cela lui permet d'obtenir une nouvelle identité auprès de ses semblables qui fêtent son port du voile comme si c'était une pubère accueillie pour son rite de passage”.

Cela veut-il dire que le voile se détermine forcément par rapport au regard de l'homme et à l'idée que se fait la femme de son corps ? Evidemment qu'il y a aussi la foi en jeu. Mais toutes ces femmes n'entendent qu'un seul discours, théologico-islamiste. Il les exhorte, au nom de Dieu et de son prophète, à "baisser le regard" (pour ne pas avoir trop de personnalité), à "préserver leur chasteté" (pour ne pas souiller l'honneur de la tribu) et à "ne pas montrer leurs atours" (comme si leur être se résumait à leur corps). En somme, elles sont invitées à "cacher leur corps pour le rendre interdit".

Mais est-ce qu'elles savent que le hijab a d'autres sens en islam ? Pour la sociologue, Fatéma Mernissi "réduire ou assimiler le hijab à un morceau de chiffon que les hommes ont imposé aux femmes pour se voiler lorsqu'elles marchent dans la rue, c'est vraiment appauvrir ce terme". Pourquoi ? Parce que le hijab, dans la littérature soufie, prend le sens d'un obstacle qui cache la lumière dont on a besoin pour atteindre la connaissance. Or, le corps de la femme, c'est aussi une lumière que le hijab dissimule. Hélas.